A Nouméa, une stèle en hommage à l’expédition d’Entrecasteaux, partie à la recherche de l’expédition Lapérouse entre 1792 et 1793, a été érigée en 1993 au sommet de la petite colline qui prolonge la promenade Pierre Vernier et surplombe le centre nautique.
On y lit notamment qu’au cours de ce voyage, le capitaine de vaisseau Huon de Kermadec, commandant « La Recherche » mourut d’épuisement le 6 mai 1793 et fut inhumé sur l’îlot Poudioué à Balade.
Cet ilôt, situé à quelques 400 kilomètres de là, dans le nord de la Grande Terre, se trouve à quelques encablures du rivage de la plage de Mahamate, sur la commune de Pouébo.
Juste à côté, se dresse un mausolée dédié au capitaine Jean Michel Huon de Kermadec.
Totalement oublié des circuits touristiques traditionnels et quasiment immergé la plupart du temps, il demeure néanmoins visible à la faveur des marées basses.
Mais, aidé par l’accélération de la montée des eaux de ces dernières décennies, le monument est appelé à disparaitre inexorablement dans les eaux bleues du lagon, à plus ou moins longue échéance, libérant la course imperceptible de l’ilôt qui lui servait de réceptacle depuis plus de deux siècles.
Car l’ilôt Poudioué, ou plutôt, sa partie encore émergée, se déplace…Depuis 1774, la destruction des arbres et des buissons qui y poussaient et le fixaient au platier ont permis aux courants de marée haute de ronger le sable d’un côté tandis que les dépôts s’amoncellaient de l’autre côté.
En 1774, le navire Resolution débarque sur les côtes de Balade, et James Cook installe son observatoire sur un ilôt qu’il baptise « Ilôt de l’observatoire », afin d’y étudier une éclipse de soleil dans l’après-midi du 6 septembre. En 1793, d’Entrecasteaux y fait enterrer dans le sable le corps de son ami Jean-Michel Huon de Kermadec. L’ilôt a depuis, repris son nom Kanak de Poudioué.
Puis, en 1846, une première stèle en l’honneur du premier français officiellement mort en Nouvelle-Calédonie est élevée par les marins de la corvette L’Héroïne.
D’après une communication de Jules Garnier à la Société de Géographie de Paris en 1893, cette stèle n’était en fait qu’un amoncellement de corail surmonté d’une croix qui a du être abattu en 1847 avec l’abandon de la mission. On estimait alors que cet édifice constituait un danger pour les navigateurs, pouvant les attirer sur cet écueil.
Toujours d’après Jules Garnier, en 1857, le capitaine Villegeorges et le docteur Vieillard élevèrent sur l’ilôt un petit monument de corail…qui fut mis en pièces par un cyclone…
En 1875, le commandant de l’Infernet fit dresser sur l’ilôt une pierre tumulaire préparée plusieurs années auparavant dans un massif de maçonnerie. Celle-ci devait servir d’encadrement à une plaque de marbre et protéger autant que possible ses inscriptions contre les intempéries. Selon la presse de l’époque, des cocotiers auraient même été plantés à l’entour.
Cette troisième stèle, pourtant maçonnée, eut le sort de celle de 1857. Les morceaux de la plaque de marbre ont cependant été récupérés, transportés à terre et rassemblées sur la colline dite « du Monument de Balade » par Benoit, un catéchiste Kanak maçon, aux environs de 1930.
En 1934, le capitaine Lefèvre lança une souscription publique pour l’édification d’une quatrième stèle toujours construite sur l’ilôt et qui se voulait alors définitive.
Le monument fut édifié en 1935 et inauguré le 10 février 1936 par l’équipage du « Savorgnan de Brazza« .
Les Forces Navales Françaises Libres (FNFL) y apposèrent une plaque en 1943.
Mais la construction fut de nouveau détruite par la mer lors d’un cyclone en 1949, les plaques de bronze ayant été récupérées.
Enfin, en avril-mai 1953, l’historien Bernard Brou, alors ingénieur des travaux publics, Julien Pennel, un colon à Balade et le père Leroy, missionnaire à Balade décidèrent d’édifier un monument vraiment durable : le cinquième.
S’appuyant sur les témoignages des Kanaks qui assuraient que l’ilôt se déplaçait (ce qu’une enquête confirma), l’emplacement des premières stèles fut recherché.
Un solide bloc de béton armé fut édifié en mer, encastré dans le récif, en profitant des grandes marées basses annuelles. L’édifice porte les plaques de bronze récupérées des constructions antérieures.
C’est ce monument que l’on peut apercevoir encore maintenant.
Il reçoit parfois des visites inattendues comme celles des descendants du capitaine Huon de Kermadec. Cela a été notamment le cas d’Alanic Huon de Kermadec en octobre 1975 que l’on voit sur la photo du quotidien des Nouvelles calédoniennes qui avait écrit pour l’occasion « De retour à Nouméa, le jeune Alanic nous a dit son émotion lorsqu’il a réalisé que dans un rayon de 50 mètres autour de lui…le chevalier Huon de Kermadec, commandant de l' »Espérance », reposait au fond des eaux calmes du lagon calédonien ».