Depuis des temps reculés, l’élément maritime constitue un pilier de l’histoire de la Bretagne. Dès l’âge du fer, les celtes avaient établi des routes commerciales entre les îles britanniques et la Méditerranée et on suppose qu’ils auraient pu atteindre le continent nord-américain plusieurs siècles avant Christophe Colomb.
Les îles occupent une place tout-à-fait à part dans l’imaginaire celte. De nombreuses légendes celtiques, bretonnes, irlandaises et galloises sont des épopées maritimes qui racontent la quête de navigateurs partis à la recherche d’îles merveilleuses. Dans la mythologie celtique, ces îles imaginaires sont présentées comme une sorte d’Au-delà, terres d’immortalité et d’éternelle jeunesse.
Ceci peut donc expliquer, en partie, le fait que les bretons aient été toujours hantés par le besoin de savoir ce qu’il y avait de l’autre côté de l’horizon, comme nous l’explique l’écrivaine lorientaise Irène Frain.
Poussés par des motivations moins romantiques, et à l’instar de la plupart des européens de l’époque, des bretons tentent la traversée du Pacifique sud à la fin du XVIIème siècle essentiellement dans le but d’ouvrir de nouvelles voies commerciales vers l’Amérique du sud, qualifiée alors d’Eldorado mais chasse gardée des espagnols.
Ainsi, Noël Danycan de l’Epine, puissant armateur-corsaire de Saint-Malo, fonde la « Compagnie royale de la mer du sud » en 1698, afin d’établir des comptoirs français sur les côtes du Chili et du Pérou. Et c’est sur un de ses navires, « Le Phelypeaux » que le commandant Jacques Gouin de Beauchêne atteint les côtes occidentales de l’Amérique du sud par le détroit de Magellan et rejoint le port de la Rochelle le 6 août 1701 après avoir franchi le Cap Horn d’ouest en est.
Puis, en 1709, Alain Porée du Breil est le premier Français à atteindre les côtes chiliennes en doublant le Cap Horn d’est en ouest toujours pour le compte de commerçants malouins.
Continent imaginaire connu intuitivement depuis les grecs, la Terra Incognata Australis (latin pour « Terre Australe Inconnue ») apparaît dès la Renaissance sur les cartes marines européennes.
Puis, en 1602, les commerçants néerlandais se lancent à L’assaut des mers du sud en créant la Vereenigde Oostindische Compagnie (VOC) ou « Compagnie néerlandaise des indes orientales ». Leurs navires au départ du Cap abordent de plus en plus fréquemment les côtes d’un territoire qu’ils baptisent naturellement « Nova Hollandia ».
Et en 1642, Abel Tasman, est missionné par Anton Van Diemen, gouverneur général des Indes Orientales, pour en faire le tour complet. En contournant cette «Nouvelle-Hollande» par la mer, il découvre à cette occasion la Tasmanie et la Nouvelle-Zélande. Il pense alors que la Nouvelle-Zélande n’est qu’une fraction de cette Terra Australis tant recherchée. Mais la mort de Van Diemen, en 1645, marquera la fin des voyages d’exploration hollandais dans le Pacifique sud.
Ainsi, au début du XVIIIème siècle, l’océan Pacifique apparaît toujours comme le dépositaire du secret de la terre australe qui hante tous les géographes de l’époque.
Les débats sur son existence se relancent notamment avec le voyage de Jean-Baptiste Charles Bouvet de Lozier en 1738-1739. Cet officier de la Compagnie des Indes, part de Lorient avec deux navires à la recherche du continent inconnu qu’il n’atteindra pourtant pas. Son expédition trouvera pourtant un large écho auprès des sphères savantes et politiques, d’autant qu’à la même époque, commence à s’ouvrir la période des voyages maritimes, dits « scientifiques », sous l’influence des courants de pensée des « Lumières ».
Un nouveau type d’officier de marine, apparaît, formé à l’astronomie, à l’hydrographie, ayant accès à toute une panoplie nouvelle de moyens scientifiques, mais aussi animé d’une égale curiosité pour tous les aspects de la connaissance. Le modèle des navigateurs des Lumières fut sans nulle doute l’anglais James Cook (1728-1779).
Louis François Marie Aleno de Saint-Aloüarn est né le 28 juillet 1738 à Guengat près de Quimper.
Officier de marine et explorateur, il entre dans la Marine royale et y fait la connaissance d’Yves Joseph de Kerguelen de Trémarec, natif de Landudal, qui le convainc de partir avec lui dans une expédition à destination des terres australes. Après le départ de l’île de France à bord des gabarres La Fortune et le Gros-Ventre le 16 janvier 1772, ils se perdent de vue le 16 février dans le mauvais temps, au large d’un archipel qu’ils nomment Iles de Kerguelen.
Le Gros-Ventre commandé par Saint Alloüarn poursuit la route vers l’est qu’ils avaient initialement prévue ensemble. Et le 17 mars, il atteindra la côte occidentale de l’Australie actuelle, au niveau du Cap Leeuwin. Après une exploration de la côte vers le nord, il y débarque le 8 avril pour prendre possession de la région au nom du roi Louis XV.
Saint Aloüarn rentre à Port-Louis après un périple de plus de sept mois, pour y mourir épuisé à l’âge de 34 ans et son geste ne connaîtra aucun retentissement.
Fils d’un armateur négociant de Port-Louis, Jean François de Surville entre très tôt au service de la Compagnie des Indes comme pilotin.
Devenu capitaine de vaisseau, il se marie et tente à ses propres frais (et ceux de son épouse) l’exploration de l’Océan Pacifique à partir de mai 1767, à bord du Saint-Jean-Baptiste, un navire de 650 tonneaux contruit à Nantes.
Parti de Lorient, ses explorations le conduisirent notamment en Nouvelle-Hollande (Australie). Puis, il redécouvre l’île Santa Isabel dans l’archipel des Îles Salomon le 13 octobre 1769 et la nomme Port-Praslin, sans savoir qu’elle avait déjà été découverte en 1568 par Alvaro de Mendaña. Enfin, il parvient en Nouvelle-Zélande en 1769.
Puis la traversée de l’Océan Pacifique à destination du Pérou sera son dernier voyage duquel il ne reviendra jamais ainsi que 77 marins bretons embarqués au départ de Lorient.
Le « Marion-Dufresne » évoque pour beaucoup le nom du navire ravitailleur des Terres Australes et Antarctiques Françaises. Peu savent cependant que ce nom a été donné en hommage à un navigateur et explorateur breton du XVIIIème siècle, Marc Joseph Marion Du Fresne, mort en Nouvelle-Zélande le 12 juin 1772.
Natif de Saint Malo d’une riche famille de commerçants, Marion Du Fresne commence une carrière de navigateur au sein de la Compagnie des Indes.
Après la dissolution de celle-ci en 1769, il s’installe sur l’île de France (actuelle Ile Maurice) où il rencontre Pierre Poivre, botaniste et intendant de la colonie. Il lui propose de ramener à Tahiti, Ahutoru, volontaire polynésien amené à Paris par Bougainville. Poivre accepte et Marion Dufresne arme deux navires pour l’expédition.
Il prend le commandement du Mascarin, secondé par Julien Crozet, natif de Port-Louis dans le Morbihan. Ambroise Bernard-Marie Le Jar du Clesmeur est à la tête du Marquis de Castries.
A la suite du décès d’Ahutoru à Madagascar, le but de l’expédition est modifié et l’expédition fait route vers le sud…
Le 11 décembre 1787, onze marins français sont tués dans les îles Samoa, en plein milieu du Pacifique. Paul Antoine Marie Fleuriot de Langle, né à Quemper-Guezennec dans les Côtes d’Armor en 1744, et commandant de l’Astrolabe, un des deux navires de l’expédition Lapérouse, se trouvait parmi eux.
Cet épisode n’est qu’une des nombreuses péripéties tragiques d’une prestigieuse expédition scientifique qui deviendra au fil du temps une des plus grandes énigmes de l’histoire de France. En 1883, sur l’île Tutuila, une plaque a été apposée en souvenir de Fleuriot de Langle et de ses compagnons.
Le musée maritime de Nouméa consacre une large partie de son espace à cette expédition et ses suites.
Enfin, plusieurs associations de l’Union Généalogique de la Bretagne historique (UGBH) publient régulièrement des articles sur ce thème. A signaler plus particulièrement l’Opération Lapérouse initié par le Cercle Généalogique du Finistère qui a pu reconstituer les rôles d’équipages des deux navires dont 90% des embarqués sont originaires de Bretagne.
Il y a quelques années, le musée de la mer de Paimpol a dédié une exposition complète à Fleuriot de Langle et l’expédition Lapérouse. Visite guidée avec Jean Claude Thomas (voir videos ci-dessous).
En 1791, Antoine de Bruny d’Entrecasteaux est envoyé à la recherche de Lapérouse. Il choisit comme commandant en second Jean-Michel Huon de Kermadec, natif de Bohars dans le Finistère et officier de la marine royale ayant participé à la guerre d’indépendance des Etats-Unis.
Commandant la frégate L’Espérance, Huon de Kermadec quitte le port de Brest le 28 septembre de la même année. Il ne reverra jamais sa Bretagne natale, emporté par la tuberculose à Balade en Nouvelle-Calédonie, le 6 mai 1793 à l’âge de 44 ans. Il sera inhumé au large de Balade avec la devise de sa famille « Atao da virviquen » (« toujours à jamais ») inscrite sur le monument qui lui est dédié.
Son nom a été donné a divers lieux et espèces végétales dans le Pacifique.
Grâce à la généalogie, la petite Histoire venant souvent rejoindre la grande, les bulletins de liaisons des associations généalogiques bretonnes se font aussi parfois l’écho de destinées hors-normes de marins racontées avec passion par leurs descendants.
En octobre 2022, un article du bulletin de liaison du Centre Généalogique des Côtes d’Armor publie un article sur le problème de la désertion des gens de mer au XIXème siècle. On sait que celles-ci étaient effectivement nombreuses, notamment concernant les navires baleiniers à destination du Pacifique sud.
Dans cette publication, Julien Lissillour est à la recherche des traces de son ancêtre, un certain Pierre Marie Le Goff, natif de Ploumanac’h, et dont on a perdu la trace, jusqu’à aujourd’hui encore, à Lyttleton, port de Dunedin, dans l’ile du sud de la Nouvelle-Zélande, et alors qu’il était embarqué sur le trois-mâts barque »Ker-Chalon ».
L’auteur relève aussi qu’un autre marin costarmoricain, dénommé François Le Vot a lui aussi déserté à l’escale de Sydney mais pour faire souche en Australie et y décéder en 1923.
Hervé Fauvé du Cercle Généalogique et Historique Sud Bretagne Morbihan (CGHSB56) raconte l’histoire de François Butault, natif de Guémené sur Scorff en 1824 et devenu médecin militaire à Brest.
Ainsi, il nous explique comment son ancêtre, fils d’un commerçant du Centre Bretagne s’est retrouvé parmi les signataires de l’acte de prise de possession de la Nouvelle-Calédonie en 1853 à Balade.
Par la suite, on apprend que François Butault, démissionnera de l’armée pour s’installer à Tahiti. Il y fondera le premier cabinet médical de l’île entre autres activités.
Eugène Guidal du Cercle Généalogique du Finistère (CG29) est sur les traces de Jacques Guillou, fils de pêcheur et né à Audierne en 1804.
Celui-ci avait entamé une carrière de quelques années dans la Marine avant de déserter quelques part sur les côtes chiliennes. Il disparaît pendant plusieurs années jusqu’à ce qu’un certain Dumont d’Urville le retrouve sur l’archipel des Gambier.
Bernard Pronost du CG29 part à la recherche d’information sur Vincent Pont, né à Brest en 1866.
Les parents de Vincent Pont (le père est charpentier de marine du port de Brest) auraient émigré vers la Nouvelle-Calédonie avec sa famille dans les années 1872-1873 comme colons libres alors qu’il avait 7 ans. On trouve en effet la mention d’un Vincent Pont dans le « Moniteur impérial de la Nouvelle-Calédonie » de l’année 1875, dans la rubrique consacrée aux remises des prix scolaires annuels.
Si la vie de Vincent contient toujours de nombreuses zones d’ombre, ce qui est certain, c’est qu’il s’est éteint à l’âge de 80 ans sur l’Ile de Pâques en y laissant une large descendance.