Patrick Decreüs, membre du « Comité Trégor-Argoat des amies et amis de la Commune de Paris 1871 », nous a sollicités pour des recherches historiques et généalogiques concernant un couple de communards bretons : Martin Masson et Marie Ange Larsonneur. Au-delà de l’histoire personnelle de ce couple, l’occasion a été donnée d’évoquer, à l’occasion de la commémoration des 150 ans de la Commune de Paris, un bref épisode de l’histoire calédonienne un peu noyé, voire occulté, au milieu de celle, plus générale, du bagne de Nouvelle-Calédonie.
A la fin du XIXème siècle, la Bretagne subit une forte expansion démographique et les exploitations agricoles ne parviennent plus à nourrir l’intégralité de la population. C’est alors que commence la grande migration de bon nombre de bretons en direction de Paris, l’avènement et l’expansion des lignes de chemin de fer aidant.
Après s’être mariés à Rennes en 1865, Martin Masson et Marie-Ange (dite Angèle) Larsonneur sont, comme beaucoup, allés tenter leur chance dans la capitale dans l’espoir d’une vie meilleure. Lui, ajusteur-mécanicien et elle, couturière, ils viendront grossir les rangs du peuple ouvrier naissant de l’Est parisien.
A la suite des mouvements insurrectionnels de 1871, Masson sera condamné à la déportation simple en Nouvelle-Calédonie qu’il rejoindra à bord de l’Orne le 31 décembre 1872. Angèle le suivra en embarquant sur le Fénelon.
A l’image du couple, Martin-Larsonneur, ce sont une centaine de communards bretons qui seront déportés en Nouvelle-Calédonie. Qu’ils soient originaires des Côtes-du-Nord (Côtes d’Armor actuelles), du Morbihan, d’Ille-et-Vilaine, du Finistère et de Loire-Inférieure (Loire Atlantique actuelle), ils ont embarqué, à partir de mai 1872, pour un voyage qu’ils pensaient alors sans retour. Une vingtaine d’entre eux ne reviendront pas.
Parmi les candidats à l’exil, se trouvait la brestoise Nathalie Le Mel, née Duval, décédée à Ivry sur Seine, il y a exactement 100 ans, en 1921.
Agée de 95 ans, elle disparut discrètement, riche d’une longue vie bien remplie mais totalement oubliée et dans le plus complet dénuement.
Eclipsée par la notoriété médiatique de Louise Michel, elle représente néanmoins une des figures du mouvement parmi les plus importantes de l’époque.
L’écrivain calédonien Frédéric Ohlen lui rend un très bel hommage dans cette passionnante « biographie à rebours » selon les termes de l’auteur.
Sur les quelques 41 000 personnes inculpées pour avoir participé à la Commune de Paris, environ 4 250 communards ont été envoyés en Nouvelle-Calédonie à partir de 1872. Condamnés en majorité à la déportation simple, environ 3 000 d’entre eux seront dirigés vers l’Ile des Pins où rien n’avait été prévu pour les accueillir.
C’est dans ce contexte que se distinguera Hortense Vendegou, la fille aînée du Grand Chef Kaoua Vendegou de l’Ile des Pins, plus connue sous le titre de la « Reine Hortense ».
A l’occasion des 150 ans de la Commune de Paris, la Ville de Paris a inauguré, en mars 2021, une « Allée de l’Ile des Pins » au sein du square Louise Michel, au pied de la Butte Montmartre.
Au bout de quelques années et à la suite de mesures d’amnistie partielles, puis définitives votées en 1881, ceux qui avaient réussi à survivre à leurs conditions de détention durant ces quelques années retourneront en France en grande majorité.
Cela sera le cas des époux Martin-Larsonneur. Le couple ainsi que leurs deux filles jumelles, Félicité et Charlotte nées à Nouméa en octobre 1978, embarquera sur la « Picardie » de l’armateur Valéry, le 19 juin 1879, en compagnie notamment de Nathalie Lemel.
Après l’appareillage du lendemain, le navire fera relâche à Kupang au sud de Timor le 8 juillet. Puis ce sera Ceylan et Aden le 16 août. Le 19, arrivée en mer Rouge et le 25 à Port-Saïd. Et enfin, le 7 septembre, la Picardie fera une entrée quasi-triomphale à Port-Vendres, petit port méditerranéen, alors jugé plus discret que pour une arrivée à Marseille ou Toulon.
Comme tous les autres amnistiés, ils seront acheminés jusqu’à Paris. La folie médiatique du moment aidant, une période festive de quelques semaines s’ensuivra durant laquelle plusieurs comités d’entraide assisteront les amnistiés dans leur réinsertion sociale et professionnelle.
Puis l’exaltation du retour passée, il semblerait que Martin et Angèle soient retombés dans la routine de leur ancienne vie parisienne. Angèle décèdera en 1895 à l’âge de 53 ans et Martin en 1903, tous à l’hôpital Ménilmontant, actuel hôpital Tenon.
On ne sait pas pour l’instant, ce que sont devenues leurs filles jumelles nées à Nouméa…
Merci à Patrick Decreüs pour tout son travail de recherche ainsi que pour l’envoi de l’article du quotidien Ouest France et deux articles extraits de l’Echo de l’Armor et l’Argoat.
A la suite des amnisties, moins d’une centaine de communards se sont installés définitivement en Nouvelle-Calédonie. De plus, et on n’en parle moins, les enfants de communards amnistiés n’ont pas toujours suivi leurs parents lors de leur retour en France, comme peuvent en témoigner les deux histoires suivantes.
La Société historique d’études historiques de Nouvelle-Calédonie (SEHNC) a publié un article très complet sur les frères Léon et Eugène de Verteuil, descendants d’une ancienne famille de la noblesse française.
Son auteur, Luc Legeard, raconte l’histoire des deux natifs de Rennes, qui, à la suite de leur jeunesse bretonne, ont été emportés dans la tourmente de la Commune de Paris après avoir été mobilisés pour servir dans la garde nationale. Refusant l’armistice du 28 janvier 1871, ils adhérèrent alors à l’insurrection et combattirent dans les bataillons des fédérés, ce qui a valu, à chacun, une condamnation à la déportation simple en Nouvelle-Calédonie, le 12 décembre 1872.
Mais, ils garderont le soutien de leur famille, puisque Léonie Cécile Hélye et Marie Françoise Augustine de Verteuil, respectivement la mère et la jeune sœur de Léon et Eugène, ainsi que Mélanie Louise Godin de Marcé, l’épouse d’Eugène et leur deux filles, Berthe et Augustine, obtiendront leur « billet de passage » pour venir les rejoindre en Nouvelle-Calédonie à bord du Fénélon en 1873.
Eugène décèdera à l’Ile des Pins en 1879, rapidement suivi par sa mère qui s’éteindra à Nouméa, l’année suivante. Son épouse retournera en France avec leur fille Héloïse, née à Nouméa en 1875, mais après avoir perdu Augustine et Gaston Eugène, né lui aussi sur le territoire. On ne sait pas ce qu’il est advenu de Berthe, leur ainé.
Léon, amnistié, retournera en France pour s’installer à Montpellier où il reprendra son ancien métier de tourneur sur bois.
Seule, Marie Françoise, qui s’était mariée en 1874 à Nouméa avec Charles Bourgine, un employé de commerce nantais, demeurera sur le territoire jusqu’à son décès en 1942, toujours à Nouméa. Le couple sera à l’origine d’une nombreuse descendance encore présente sur le territoire.
A la fin de l’année 2023, Chantal, présidente fondatrice de l’ »Association culturelle macérienne » est venue faire un voyage en Nouvelle-Calédonie, épilogue de longs mois de recherche dédié au communard Alfred Huet et son fils Andronie, tous deux originaires de Mézières en Brenne, dans l’Indre.
En effet, une rencontre avec Christine Huet, leur descendante, l’avait d’abord incitée à écrire l’histoire d’Alfred dans le cadre des commémorations des 150 ans de la Commune de Paris.
Puis, de fil en aiguille, elle s’est ensuite intéressée au destin calédonien riche et mouvementé de son fils Andronie qui repose à Nouméa au cimetière du 4ème kilomètre depuis 1936.
Leur histoire respective, passionnante, complète et très documentée est racontée sur le site « La Brenne au cœur » .