A la suite de la fermeture des bagnes portuaires et le constat d’une importante mortalité en Guyane, Napoléon III désigne la Nouvelle-Calédonie comme un nouveau lieu de transportation. Entre 1864 et 1897, 75 convois sont partis de Brest, Toulon ou l’île d’Aix pour une traversée de plusieurs mois, emmenant environ 28 500 hommes et 900 femmes vers l’archipel, pour un voyage souvent sans retour.
Parmi eux, se trouvaient de nombreux natifs des départements de la Bretagne historique et ce, dès le premier convoi de transportés, formé pourtant à partir de condamnés purgeant leur peine à Toulon, alors dernier bagne métropolitain en activité.
Ainsi, au moins une vingtaine de transportés bretons embarqués à bord de l’Iphigénie en 1864 ne devaient jamais revoir leur pays comme peuvent en témoigner leurs actes de décès enregistrés en divers lieux de Nouvelle-Calédonie.
En lisant la remarquable étude de Louis-José Barbançon “L’archipel des forçats”, ouvrage de référence sur le thème du bagne de Nouvelle-Calédonie, on apprend aussi pour l’anecdote, que la femme transportée décédée à l’âge le plus élevé serait Anne Françoise Derrien, native de Brest, à 92 ans en 1937, aux Petites Soeurs des Pauvres, situé Faubourg Blanchot à Nouméa.
On y lit aussi que la dernière femme transportée décédée sur le territoire serait Jeanne Roulleau, native de Malville près de Nantes. Epouse d’un transporté de l’Iphigénie, elle était âgée de 89 ans au moment de son décès à Bourail en 1945 et a laissé derrière elle une nombreuse descendance, contribuant ainsi à la légende qui dit que chaque calédonien aurait au moins un(e) aïeul(e) breton(ne) dans son arbre généalogique…
Raoul Tellier, marin natif de la région de Saint Malo, a lui, passé plus d’un demi-siècle au bagne. Condamné en 1881 par la Cour d’Assises de Rennes à 20 ans de travaux forcés pour vols qualifiés, il débarque de la « Loire », quai de la Flotille, en janvier 1882 à l’âge de 19 ans pour être conduit au camp de Montravel. Commence alors une longue bataille pour assurer sa propre survie, entre violence et trahison, ponctuée de multiples tentatives d’évasion. Il décédera finalement à l’Ile Nou en 1941.
Quelques années auparavant, en 1937, M. Tellier avait souhaité laisser une trace écrite de son existence. Aussi, avait-il demandé à un jeune officier de l’armée de bien vouloir dactylographier son récit. Quelques décennies plus tard, la petite-fille de cet officier vient de publier ce témoignage riche, inédit et poignant, retrouvé au milieu des papiers familiaux.
Après de longues décennies consacrées à soigneusement taire et occulter cet épisode douloureux mais fondateur de l’histoire récente du territoire, la période actuelle, orientée sur le « devoir de mémoire », encourage la multiplication de sa mise en lumière.
En 2016, le quotidien « Les Nouvelles calédoniennes » a publié durant plusieurs semaines, une série d’articles hebdomadaires consacrée aux familles du territoire ayant un ancêtre dont l’histoire rejoint celle de la colonisation pénale.
Pour un certain nombre d’entre elles, il n’est pas rare qu’un(e) aïeul(e) d’origine bretonne y figure. Tel est le cas de l’arrière-grand-père finistérien de Gérard Salaün, pendant longtemps organisateur du Tour cycliste de Calédonie, ou du grand-père originaire de la région de Dinan d’Evelyne Henriot, institutrice retraitée et passionnée de généalogie qui nous raconte avec humour la quête de ses origines bretonnes dans cette video de la chaîne Caledonia. Des articles ont aussi été consacrés aux familles Tessier, Morandeau et Genet.
Après une longue période d’oubli, l’histoire du bagne de Nouvelle-Calédonie commence progressivement à être mise en lumière. Les projets tels que l’ouverture du musée du bagne de l’Ile Nou ou l’inscription du bagne de Nouvelle-Calédonie à la liste du patrimoine mondial de l’Unesco peuvent en témoigner. Parallèlement, ses protagonistes se rappellent aussi à notre mémoire grâce aux avancées de recherches tant généalogiques qu’historiques.
Mais dans les faits, la majeure partie des transportés à “La Nouvelle” n’ont pas laissé de traces physiques sur le territoire. Aujourd’hui, cependant, certains de leurs descendants font parfois revivre leur mémoire au détour d’une rencontre lors d’une recherche généalogique. Les bulletins de liaison des associations généalogiques de l’Union Généalogique de la Bretagne Historique (UGBH) s’en font parfois l’écho.
- Sur le même thème, Denis Cosquer met en partage un article sur « Le voyage du Fénelon » essentiellement consacré aux familles des passagers qu’il a reconstitué grâce aux fiches d’embarquement du Groupement Généalogique du Havre Seine-Maritime dont il fait partie.
- Patrick Milan a consacré une partie de son site internet aux bagnards finistériens en Nouvelle-Calédonie.
- Un article sur le bagnard Louis Queffelec, condamné en 1874 au bagne de Nouvelle-Calédonie.
- De Ploudalmézeau au bagne de Nouvelle-Calédonie par Patrick Milan.
- L’incontournable site d’André Poussin avec une liste de 11.000 bagnards originaires du nord-ouest de la France recensés.
- La base de données des dossiers individuels des condamnés aux bagnes coloniaux sur le site des Archives Nationales de l’Outre-Mer.
- Un site dédié au bagne de Nouvelle-Calédonie avec notamment les listes de passagers par convoi.
- « Le bagne calédonien » : une semaine de reportages sur le sujet à l’occasion de la sortie du « Mémorial du bagne calédonien » de Louis-José Barbançon.
- La liste des surveillants militaires passés par le territoire classés par département par le groupe GenNeoCal sur Calameo.