Nous avons fait la connaissance de Stephanie Hobbs dans un bal breton organisé à Dunedin où nous étions invités. Pour l’occasion, nous avions revêtu nos costumes traditionnels. En nous voyant et apprenant nos origines, Stephanie, qui faisait partie du groupe de danseurs du bal, nous annonça fièrement avoir un ancêtre breton qui venait de Saint Brieux (!) en Bretagne.
Néo-zélandaise depuis plusieurs générations et n’ayant jamais mis les pieds en Europe, elle nous détailla alors le peu d’éléments en sa possession concernant l’histoire de ses trisaïeux Julien Le Gal et Marie Louise Briends. Après un bref séjour dans l’Ile de Jersey, ceux-ci avaient décidé d’embarquer à Gravesend à bord du navire “Surat” en direction de la Nouvelle-Zélande le 28 septembre 1873 avec leur jeune fils Julien Henri âgé de 3 ans…
L’arrivée mouvementée du couple en Nouvelle-Zélande dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier 1874 avait fait les titres de la presse locale de l’époque puisque le navire s’est échoué en atteignant les côtes de la région de Dunedin.
Comme Stéphanie semblait très curieuse sur tout ce qui concernait la Bretagne, au point de rêver de pouvoir y vivre un jour, nous lui avons proposé de faire des recherches généalogiques sur ses ancêtres bretons.
Et grâce aux Archives départementales des Côtes d’Armor et aux données du Cercle généalogique 22, nous avons pu vérifier son histoire et commencer à remonter l’arbre généalogique de ses ancêtres bretons sur quelques générations.
Un grand merci à Marie-Thérèse M., Marie Thérèse D, JCLB, Georges, John et Yann des forums CG22 et Généalogie 22 ainsi qu’à toutes les fourmis industrieuses des “Amis du Turnegouet” pour leurs données et leur aide. Le fichier d’ascendance de Julien Henri a été très largement complété grâce à eux.
Tableau d’ascendance de Julien Henri Le Gal (° Saint Helier, Jersey, + Otago, NZ)
Il reste maintenant à connaitre l’histoire de la vie de ce couple fondateur d’une descendance fournie et dispersée entre la Nouvelle-Zélande et l’Australie (et peut-être même l’Afrique du Sud si on en croit les dernières recherches effectuées par la branche australienne). Mais à part des tombes dans les cimetières d’Otago et de Dunedin et quelques mentions dans les fichiers de recensements néo-zélandais, les éléments sont maigres.
Après cette rencontre, il était intéressant d’en savoir plus sur un potentiel courant d’émigration bretonne vers la Nouvelle-Zélande. Et pour cause puisque les premiers français à atteindre ses rivages, dans le sillage de James Cook, étaient natifs…de Bretagne. Il s’agissait de Jean François Marie de Surville, de Port-Louis, en 1769, et Marc Joseph Marion Dufresne, dit Marion-Dufresne, de Saint Malo, en 1772. Ils étaient tous deux, navigateurs, explorateurs et capitaines de vaisseaux pour la Compagnie française des Indes Orientales.
Puis, en 1840, un groupe d’hommes d’affaires de Nantes et de Bordeaux, regroupé en Compagnie Nanto-Bordelaise reçut une subvention de la part du gouvernement français pour un projet de colonisation de l’Ile du Sud et mis à disposition le navire “Comte de Paris” qui partit de Rochefort en mai 1840 avec à son bord une soixantaine de passagers venant essentiellement de Normandie et de Charente. A défaut de coloniser toute l’île, ceux-ci fondirent la petite ville d’Akaroa, toujours très attachée actuellement à ses racines françaises.
L’acte de mariage de Julien Le Gal et Marie Louise Briend en 1870 à Saint Brieuc révèle que le couple était alors domicilié à Jersey. Leur fils Julien Henri y serait probablement né. Cas isolé et accidentel ? Tel ne semble pas être le cas.
L’article de Mark Bolleat, « Les émigrants bretons à Jersey » paru en 2017 dans la revue de liaison du CG22 mentionne qu’à partir de la seconde moitié du 19ème siècle et jusque dans les années 50, de nombreux cultivateurs bretons sont partis travailler à Jersey, les conditions y étant plus favorables. Le phénomène avait pris une telle ampleur qu’aujourd’hui, de nombreuses familles de l’île possèderaient un patronyme breton.
Il n’est donc pas incongru de penser que plusieurs d’entre elles aient eu l’idée de continuer leur voyage jusqu’en Nouvelle-Zélande d’autant que les départs étaient alors encouragés. Généalogiste néo-zélandais passionné, Keith Vautier a recensé pas moins de 1 200 immigrants en provenance de Jersey, Guernesey et Alderney au 19ème siècle sur la page “Channel Islands Migration Records”.