Cercle Celtique de Nouméa

Mineurs de Cornouailles dans le nord calédonien

Un certain nombre d’actes de décès de la commune de Ouégoa et notamment ceux du district du Diahot entre 1870 et 1880, concernent des originaires du comté de Cornouailles anglaises. La plupart d’entre eux se disaient mineurs. Comment avaient-ils pu arriver jusque là ?

On nous écrit de Sunnyvale en Californie

Nous avons eu un premier élément de réponse, il y a quelques années. En effet, un certain Patrick Hart, résidant aujourd’hui en Californie, nous a écrit que, suite à la parution de nos relevés d’état-civil en Nouvelle-Calédonie, il avait enfin retrouvé les traces son arrière-arrière-grand-père dont la légende familiale vivace disait qu’il avait disparu en Australie “en laissant ses chaussures sur le sable…”. 

En fait, celui-ci avait quitté son village de Redruth, en Cornouailles aux alentours de 1870, laissant sa femme et ses 2 enfants, pour aller chercher de l’or aux-Etats-Unis. Puis, il avait effectivement continué son périple vers l’Australie d’où sa famille avait perdu sa trace…jusqu’à ce qu’un de ses descendants découvre quelques décennies plus tard qu’il était décédé quelques part dans la vallée du Diahot dans le nord calédonien…

Acte de décès de John Hart dans les registres d'état-civil de Nouvelle-Calédonie
Les Cornishmen du Diahot

Région de culture celtique, les Cornouailles se situent à l’extrémité ouest de la Grande-Bretagne. L’exploitation de la cassitérite (espèce minérale composée essentiellement de dioxide d’étain) y aurait débuté dès l’âge du bronze. Après l’étain, l’extraction de l’argent au Moyen-âge, remplacée par celle du cuivre à partir du XVIIIème siècle, a continué jusqu’à la fermeture de la dernière mine de la région à South Croft à la fin du XXème siècle. Ainsi, ses habitants (cornouaillais ou Cornishmen) ont développé pendant plusieurs siècles un savoir-faire inégalé en matière d’extraction minière.

Au milieu du XIXème siècle, avec notamment, le déclin des mines de cuivre, les “Cornishmen”, forts de leur expertise ancestrale, se regroupèrent pour aller tenter leur chance sur les nouveaux champs de prospection et d’extraction qui émergeaient à travers le monde…

C’est ainsi qu’à partir de 1845, beaucoup d’entre eux débarquèrent en Australie méridionale à la suite de la découverte de gisements de cuivre sur la presqu’ile de Yorke au nord-ouest d’Adelaïde. L’immigration cornouaillaise dans cette region fut telle que la péninsule  fut rapidement surnommée le “Copper triangle” avec les trois mines de Moonta, Kadina et Wallaroo” ou “Petite Cornouaille”, la communauté de mineurs de cette region étant la plus importante en 1875.

Mine de Moonta, Australie méridionale - L'atelier de construction mécanique Hughes

Au XIXème siècle, outre le cuivre, on cherchait aussi de l’or. On en trouva notamment dans la région de Ballarat au nord-ouest de Melbourne en 1851, mais aussi en Nouvelle-Calédonie. Et c’est en 1870 que l’annonce officielle de la découverte d’un gisement du côté du Diahot au lieu-dit “Moindine” (Manghine) commença à intéresser des investisseurs australiens. Mais à défaut d’or, c’est surtout des gisements de cuivre qui furent trouvés, d’abord à Manghine sur la mine “Eurêka” au début de l’année 1872, mais surtout dans le lit de la rivière de Ouégoa, futur site de la mine “La Balade”.

En 1874, John Higginson fonda “La compagnie de Balade” avec, entre autres, William Morgan, mineur investisseur et fondateur de la banque d’Adélaïde. Et c’est sous l’impulsion de ce dernier que les Cornishmen d’Australie débarquèrent en Nouvelle-Calédonie comme peuvent en témoigner les articles de la presse australienne de l’époque. Ainsi, l’Adelaïde Observer du 14 juillet 1877 mentionne que William Morgan avait envoyé 30 mineurs à la mine de Balade, et que celle-ci, dirigée par le captain John Warren, employait à l’époque environ 80 mineurs cornouaillais, 100 français et 110 océaniens.

Mais, l’arrivée des premiers convois de condamnés à la transportation, main d’oeuvre bon marché, à partir de mars 1878, entraînera le départ des Cornishmen vers des régions plus lucratives comme les mines d’étain de la Tasmanie, ne laissant au final que très peu d’empreintes sur le territoire.

Epilogue

On ne sait rien de la vie de John Hart en Nouvelle-Calédonie. Il ne faisait manifestement pas partie du personnel de la mine de Balade au moment de son décès. En effet, son nom ne figure pas dans les différents relevés de personnels effectués par Benoit Delvinquier dans son excellent article “Les Cornishmen du Diahot” paru en 2017 dans le bulletin n° 193 de la SEHNC. Mais toujours selon cet article, on comptait encore 26 anglais présents à la mine de Fern-Hill située moins d’1 kilomètre au nord de la mine Eurêka.

Ce qui est certain, c’est que John Hart repose quelque part dans le Diahot. Plusieurs années après sa disparition, ses deux fils John et Richard ont quitté à leur tour la région des Cornouailles et sont partis sur les traces de leur père. Ils se sont installés tous les deux aux Etats-Unis. 

Le chemin de John, l’aîné des deux, s’arrêtera en 1901 à Eurêka, dans le nord de la Californie…Richard, arrière-grand-père de Patrick, se fixera à San Francisco. Il se mariera avec la fille d’un colonel de l’armée britannique dont la famille, émigrée en Californie vers 1880, était originaire d’Australie et de Nouvelle-Zélande.

La stèle dédiée à John Hart, sa femme Margaret et leur fils John dans le cimetière de Saint Day Road à Redruth en Cornouailles.
Quelques liens
Deux videos sur l'ancien monde de la mine en Nouvelle-Calédonie